Obligations de l’employeur de résoudre les conflits internes

Le Tribunal Fédéral a rendu une décision qui a été publiée récemment par laquelle il a jugé possible d’imposer à une entreprise, même de petite taille, de mettre en place une procédure de résolution des conflits internes et de désigner une personne de confiance.

Voici ci-dessous les enseignements qu’on peut tirer de cette jurisprudence.

 

1. En faits

X. SA est active dans la tenue du secrétariat d’associations professionnelles. Elle occupe une dizaine de collaborateurs,

Dans le cadre d’un conflit de travail l’opposant à une de ses collaboratrices, une enquête a été ouverte par l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail. L’enquête a conclu que les mesures mises en place par l’employeur étaient insuffisantes. X. SA a alors présenté un système de gestion des conflits dans lequel le chef de l’entreprise intervenait prioritairement. Par la suite, si les tensions subsistaient, un médiateur intervenait. Si cela ne suffisait toujours pas, la procédure pouvait être amenée devant les tribunaux compétents.

L’Office cantonal a imparti à X. SA de mettre en place une procédure interne permettant de gérer les conflits de travail hors hiérarchie. Elle a présenté un nouveau système ne prévoyant que le recours au supérieur, puis au chef de l’entreprise.

L’Office cantonal a prié une nouvelle fois X. SA de lui soumettre des règles d’intervention prévoyant la possibilité pour les collaborateurs de se confier à une personne de confiance hors hiérarchie. Sans réponse, l’Office cantonal a prononcé une décision contraignante en vertu de l’art. 51 al. 2 LTr.

Son recours devant le Tribunal administratif genevois rejeté, X. SA a interjeté un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral (ci-après TF).

 

2. En droit

X. SA soutient que l’exigence de nommer une personne de confiance hors hiérarchie pour régler les conflits ne repose sur aucune base légale, et que pour une entreprise de moins de dix personnes dans laquelle aucune situation de mobbing ou de harcèlement sexuel n’a été révélée, il est disproportionné de lui imposer la mise en place de règles de conflit faisant appel à une personne de confiance hors hiérarchie et de l’obliger à informer les collaborateurs de cette procédure.

La LTr ne prévoit pas de mesures concrètes à prendre dans les entreprises en cas de conflit, celles-ci devant être déterminées par voie d’ordonnance conformément à l’article 6 al. 4 LTr. Le TF considère qu’hormis les ordonnances, il faut aussi tenir comptes des différentes recommandations et normes techniques correspondant aux standards de protection à prendre en considération au moment déterminant.

A ce titre, aussi bien la doctrine que le SECO préconisent de recourir lors d’un conflit à une personne de confiance, interne ou externe à l’entreprise, qui dispose d’une formation nécessaire et qui soit en rapport de confiance avec les personnes demandant son conseil. Cela est également prescrit par le Conseil fédéral dans son message.

Le TF considère qu’il est possible sous l’angle de la légalité d’imposer à une entreprise la désignation d’une personne de confiance dans le but de prévenir les conflits internes pouvant survenir. Toutefois, il est nécessaire que cette personne de confiance garantisse la confidentialité des entretiens avec les collaborateurs et qu’elle n’ait pas de rapports hiérarchiques avec les collaborateurs.

Afin de répondre à la question de la proportionnalité, le TF considère qu’il ne s’agit pas de mettre en place une structure compliquée et coûteuse, mais seulement de mettre en place une procédure interne permettant de gérer les conflits de travail et de désigner une ou plusieurs personnes de confiance, hors hiérarchie, dans ou à l’extérieur de l’entreprise, à qui les collaborateurs puissent s’adresser en toute connaissance de cause.  Le TF estime que la proportionnalité est donc respectée.

Finalement, en ce qui concerne le devoir d’information des collaborateurs, le TF estime que ce dernier n’a pas à être remis en cause, car il constitue de toute façon une obligation légale de l’employeur expressément prévue par la LTr et la loi fédérale sur la participation.

Au vu de ce qui précède, le TF a rejetté les arguments de X. SA, considérant que la mesure imposée s’inscrit dans ce cadre et reste donc raisonnable par rapport à l’intérêt de l’entreprise, mais aussi de la société en général, de prévenir les atteintes psychiques, compte tenu de l’absentéisme, de la perte de productivité et des coûts qu’elles engendrent.

 

3. Conclusion

Il ressort de cet arrêt les obligations suivantes pour l’employeur :

  • Quelle que soit la taille de l’entreprise, l’employeur est dans l’obligation de mettre en place une procédure de résolution des conflits.
  • L’employeur doit informer les collaborateurs de la procédure de résolution des conflits mise en place.
  • Le collaborateur doit pouvoir faire appel à une personne de confiance.
  • La procédure de résolution des conflits doit assurer que la personne de confiance garanti la confidentialité des entretiens.
  • La personne de confiance doit disposer d’une formation nécessaire à cette activité.
  • La personne de confiance doit être en rapport de confiance avec les personnes pouvant demander son conseil.
  • La personne de confiance peut être interne ou externe à l’entreprise.
  • Si la personne de confiance est interne à l’entreprise, elle ne doit pas avoir de rapports hiérarchiques avec les collaborateurs pouvant faire appel à elle. Cette exigence impose quasiment que la personne de confiance soit externe à l’entreprise.

 

4. Commentaire

Cette décision appelle des remarques de deux ordres. Premièrement, les entreprises ont l’obligation de mettre en place une procédure de résolution des conflits. Deuxièmement, la garantie de la confidentialité des entretiens peut être problématique. En effet, l’employeur a le devoir de protéger ses collaborateurs. S’il ignore qu’il y a un litige, comment peut-il intervenir? S’il ne fait rien, sa responsabilité est engagée. Ensuite, il peut y avoir des cas extrêmes : le collaborateur exige la confidentialité de la personne de confiance, mais elle est tellement à bout qu’elle tente de se suicider.

 

5. Conseil

Tout employeur sera bien inspiré de prévoir des dispositions réglementaires pour la résolution des conflits :

  • équilibrées,
  • qui sauvegardent les intérêts des collaborateurs
  • qui satisfont à l’obligation de l’employeur de protéger ses collaborateurs.

 

L’employeur qui met en place des dispositions réglementaires pour la résolution des conflits :

  • améliore son image sur le marché du travail
  • limite grandement le risque de sanctions des autorités
  • limite grandement le risque de devoir  indemniser ses collaborateurs